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La COVID-19 au Québec : entrevue avec Sandrine Moreira, Ph. D.

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Le virus SARS-CoV-2 responsable de la COVID-19 est arrivé au Québec pendant la période de la relâche printanière de 2020 et il peut avoir été introduit dans la province par aussi peu que 247 personnes, selon les résultats initiaux d’une étude publiée le 21 septembre dernier par l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) et le Centre de génomique de McGill.

Nous avons demandé à Mme Moreira, responsable de la génomique et de bio-informatique à l’INSPQ et membre du Comité de coordination du RCanGéCO, d’expliquer l’étude et ce que cette dernière nous dit de la pandémie de COVID-19.


« L’épidémiologie génomique possède encore un grand potentiel largement inexploité en santé publique. J’espère que les analysées réalisées par les chercheurs du consortium du RCanGéCO démontreront que cet outil puissant doit être ajouté à la trousse épidémiologique traditionnelle de la santé publique. » – Sandrine Moreira, Ph. D.


Questions et réponses

Qu’est-ce que votre équipe de recherche tentait d’apprendre sur la propagation de la COVID-19 au Québec?

Nous avions pour objectif de comprendre la provenance des premiers virus introduits au Québec et de vérifier l’hypothèse selon laquelle la semaine de relâche hâtive au Québec (à partir du 29 février) avait influencé l’épidémie.

Nous avons choisi 734 échantillons entre le 25 février (date de la première apparition d’un cas au Québec) et le 1er avril (15 jours après la fermeture des frontières canadiennes) et établi la séquence génétique du virus SARS-CoV-2 pour chacun. En vérifiant les échantillons appartenant à cette période précise, qui tient également compte de la période d’incubation de 1 à 14 jours de la COVID, nous voulions mieux cerner les origines du virus introduit au Québec.

Comment le séquençage génétique nous montre-t-il les origines d’un échantillon viral?

Au fil du temps, les séquences génétiques du SARS-CoV-2, le virus responsable de la maladie à COVID-19, accumulent lentement des mutations. Par conséquent, si nous isolons et séquençons un virus qui se trouve au Québec, nous pouvons comparer le modèle de ses mutations au modèle des virus isolés dans d’autres pays, ce qui nous aide à comprendre les origines du virus. C’est ce que nous avons fait pour les séquences génétiques des virus SARS-CoV-2 dans nos 734 échantillons : nous les avons comparées à des séquences virales d’ailleurs dans le monde par l’entremise d’une banque de données internationale.

Qu’avez-vous appris de plus important par suite de ces résultats initiaux?

Notre principal résultat est le dépistage de 247 introductions au Québec de virus provenant de l’extérieur de la province. Si l’on compare ce nombre à celui des introductions de virus ailleurs, au Massachusetts, par exemple, où seulement 80 introductions ont été dépistées, ce résultat est important.  

Une autre constatation clé a trait à l’origine des virus. Même si nous avons dépisté certains cas où le virus est arrivé au Québec en provenance d’autres provinces canadiennes, la plupart des introductions provenaient de l’Europe, de l’Amérique latine, des Antilles et des États-Unis. Nous nous y attendions, car nous avons observé des modèles semblables ailleurs et parce que ce sont des destinations populaires à la relâche printanière. Nous ne nous attendions pas, cependant, au très faible nombre de cas (moins de 1 %) provenant de la Chine.

Nous avons également été étonnés de voir, en comparant les historiques des déplacements fournis par les patients, les résultats de nos analyses phylogénétiques, car nous avons constaté que les gens rapportaient des virus aux origines inattendues. Cette constatation s’applique tout particulièrement aux Québécois qui sont revenus des Antilles et qui ont introduit des virus SARS-CoV-2 provenant de pays comme l’Italie, l’Allemagne et les Pays-Bas. Les Antilles ont été un carrefour international d’échange des virus au printemps.

Pourquoi ces données sont-elles importantes?

L’analyse des données génomiques nous aide à mieux comprendre comment l’épidémie a commencé au Québec. C’était le seul moyen de confirmer, par des preuves scientifiques, l’hypothèse proposée par les épidémiologistes au début de la pandémie et selon laquelle la relâche printanière avait fortement influencé la propagation de la COVID-19 au Québec.

Nous avons aussi pu corriger de l’information épidémiologique, souvent basée sur des souvenirs personnels et des réponses aux enquêtes, qui peut être vague ou pas entièrement exacte pour se faire une idée de la propagation du virus. C’est ce que nous avons constaté avec l’exemple des voyageurs qui sont revenus des Antilles après la relâche printanière et qui étaient infectés de virus provenant d’autres pays. Sans séquençage génétique, cet aspect de l’historique des déplacements du virus aurait été mal compris.

L’épidémiologie génomique possède encore un grand potentiel largement inexploité en santé publique. J’espère que les analysées réalisées par les chercheurs du consortium du RCanGéCO démontreront que cet outil puissant doit être ajouté à la trousse épidémiologique traditionnelle de la santé publique.

Quel autre potentiel la génomique offre-t-elle pour l’étude des grands problèmes de santé publique?

Évidemment, le potentiel est grand en épidémiologie, mais il y a également des applications moins connues qui pourraient avoir beaucoup d’impact. Les cas où les patients ont une infection que les outils traditionnels ne permettent pas d’identifier en sont un exemple. Dans des cas comme ceux-là, j’ai vu le séquençage métagénomique, une analyse puissante et complexe de séquençage de tout un échantillon, offrir une dernière chance de diagnostic à des patients. Ce type de séquençage n’est pas encore largement accessible en raison de la complexité du processus et de la rareté des laboratoires qui l’effectuent.

Au laboratoire de santé publique du Québec, nous développons ces méthodes, tout comme le Laboratoire national de microbiologie de Winnipeg. Certains laboratoires aux États-Unis et en Europe le font aussi. Nous pouvons être fiers au Canada d’avoir ces outils en développement pour la population canadienne et je pense qu’ils seront plus largement accessibles à l’avenir.

L’aspect de renforcement des capacités de l’initiative RCanGéCO nous aidera à faire progresser ces travaux. En renforçant la capacité génomique dans les laboratoires de santé publique du pays, le RCanGéCO aidera à rendre les outils comme l’analyse métagénomique plus largement accessibles au Canada.

Quels autres sujets l’équipe de recherche de cette étude québécoise abordera-t-elle?

Nous séquencerons ensuite plus d’échantillons pour obtenir une estimation plus précise du nombre d’introductions du virus au Québec. Nous examinerons également quelles introductions ont mené au plus grand nombre de cas : ce qu’on appelle les « super-propagateurs ». Nous examinerons également quelles caractéristiques et tendances dans ces cas contribuent à l’épidémie, une question très importante en santé publique.

En menant une analyse en collaboration avec des collègues d’autres provinces et du Laboratoire national de microbiologie, nous espérons obtenir une vue d’ensemble pour le Canada qui cartographie les introductions du virus dans les différentes régions du pays et caractérise plus précisément la transmission du virus entre les provinces.

Vous avez parlé de l’importance du mandat de renforcement des capacités du RCanGéCO pour aider les chercheurs à faire progresser la santé publique au Canada. De quelles autres façons le RCanGéCO renforce-t-il la recherche en santé au Canada?

Le financement du RCanGéCO rend possibles des études comme la nôtre sur le SARS-CoV-2. Le Réseau n’a pas pour seul rôle de fournir des fonds. Il réunit également des chercheurs universitaires, des laboratoires de génomique et des épidémiologistes de partout au pays pour échanger des compétences et faciliter l’échange de données. C’est là le type de recherche translationnelle que nous souhaitons voir davantage au Canada.


Lire l’étude Genomic epidemiology of early introductions of SARS-CoV-2 into the Canadian province of Québec

Dans les actualités : First genetic sequencing of COVID in Quebec shows roots of outbreak (Le Bulletel de McGill, 21 septembre 2020)


Le Réseau canadien de génomique COVID-19 (RCanGéCO) a pour mission de relever le défi de la COVID-19 en produisant les données accessibles et utilisables des génomes viraux et humains pour orienter les décisions stratégiques et les décisions en santé publique, et mettre au point des traitements et des vaccins. Ce consortium pancanadien est dirigé par Génome Canada, en partenariat avec les six centres de génomique régionaux, le Laboratoire national de microbiologie et les laboratoires provinciaux de santé publique, les centres de séquençage du génome (par le truchement de CGEn), les hôpitaux, les universités et l’industrie dans l’ensemble du pays.

Faits rapides

Relations avec les médias

Nicola Katz
Directrice, Communications
Génome Canada
Cell. : 613-297-0267
nkatz@genomecanada.ca

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