L’échange de données dans la lutte contre la COVID-19 : Questions et réponses en compagnie de Yann Joly, Ph. D.

Dr. Yann Joly
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Yann Joly, Ph. D.

Les données produites par l’initiative VirusSeq du RCanGéCO aideront à suivre la transmission du SARS-CoV-2 (le virus à l’origine de la COVID-19), à reconnaître et à surveiller les mutations qui peuvent influencer la gravité ou l’infectivité de la maladie et à orienter les contre-mesures médicales. Vu l’importance de l’échange des données pour la prise de décisions en santé publique et la mise au point de vaccins, VirusSeq a constitué une équipe d’experts canadiens qui ont pour tâche de dresser une feuille de route de l’échange des données des séquences virales et de l’information de base connexe qui peut aider les chercheurs à interpréter ces séquences.

Nous avons demandé à Yann Joly, Ph. D., directeur de la recherche du Centre de génomique et de politiques de l’Université McGill et président du Groupe de travail sur l’éthique et la gouvernance de VirusSeq, de nous parler de l’importance de l’échange des données et de nous expliquer comment une nouvelle note de service sur les répercussions de l’échange des données sur la protection des renseignements personnels, rédigée par le Groupe de travail sur l’éthique et la gouvernance de VirusSeq, répond aux principales questions à ce sujet.

Pour obtenir une copie de la nouvelle note de service du Groupe de travail sur l’éthique et la gouvernance de l’initiative VirusSeq, veuillez communiquez avec Catalina Lopez-Correa, directrice exécutive du RCanGéCO.


« La note de service a vraiment éclairci les choses pour les autorités provinciales en confirmant qu’en général, l’échange du type de renseignements nécessaires à la liste des métadonnées minimales de VirusSeq ne soulève pas de problèmes importants de protection des renseignements personnels. » — Yann Joly, directeur de la recherche du Centre de génomique et de politiques de l’Université McGill, et président du Groupe de travail sur l’éthique et la gouvernance de VirusSeq.


Questions et réponses

Pourquoi l’échange de données sur les séquences virales et les renseignements connexes est-il important?

La génomique est devenue un outil de surveillance très important en santé publique parce qu’elle nous permet de suivre l’évolution du virus et de le relier à l’information provenant de son hôte humain. Elle nous permet également d’examiner différentes souches du virus et leur effet sur différentes personnes, et l’influence que peut avoir une variable sur l’autre.

Fondamentalement, on examine le virus et on voit en temps réel comment il peut se développer, ce qui est essentiel à la prévention de l’évolution d’une pandémie et à la mise au point de vaccins. De tous les vaccins dont nous disposons, certains des meilleurs sont basés sur la génomique.

Existe-t-il déjà des politiques et des cadres pour faciliter ces échanges de données?

Il y a eu, en santé publique, des tentatives pour instaurer des cadres pancanadiens d’échange de données. Certaines politiques ont été élaborées, mais la mise en œuvre s’est toujours avérée difficile dans les laboratoires de santé publique. Certaines modèles intéressants d’ententes d’échange de données ont bien été élaborés, mais il a été très difficile d’obtenir un consensus dans la communauté et d’en venir à un cadre commun sur lequel les diverses provinces s’entendent.

Je pense à l’EMER (Entente multilatérale sur l’échange de renseignements). Il s’agit d’une entente sur l’échange de données proposée par l’Agence de la santé publique du Canada. Elle est cependant demeurée une sorte de modèle d’entente au lieu d’être mise en œuvre par les laboratoires provinciaux de santé publique.

Génome Canada a adopté certaines normes concernant l’échange de données pour les organisations et les chercheurs dont il finance les recherches. Nous avons donc de très bonnes recommandations sur l’échange des données génomiques. Ces normes ont cependant été élaborées dans le contexte de la recherche et les intervenants de la santé publique ne sont pas nécessairement informés de leur contenu ou prêts à les appliquer. Par conséquent, même si nous disposons de certains volets importants, nous n’avons pas encore de cadre complet.

Comment l’échange limité de données au Canada a-t-il nui à nos progrès dans la lutte contre la pandémie actuelle?

Il y a plusieurs limites. Parce qu’ils ne connaissent pas, par exemple, les lois et les politiques concernant l’échange des données, les gens ne savent pas ce qui peut ou ne peut pas être échangé. Parfois, aussi, c’est simplement un manque de confiance ou de connaissances sur les gains qui en découleront. Il faut intéresser activement les intervenants de la santé publique et leur faire connaître les avantages possibles de l’échange de données.

Parfois, les obstacles sont purement techniques. Il faut beaucoup de gens pour recueillir des données génomiques et des métadonnées, puis les préparer de façon à ce qu’elles soient suffisamment normalisées pour être échangées avec d’autres groupes. Il faut une infrastructure appropriée pour y parvenir. Les petits laboratoires n’ont peut-être pas le personnel ni les ressources financières pour le faire.

Comment le RCanGéCO et la note de service ont-ils aidé à accroître l’échange de données au Canada?

L’idée à la base de la note de service et plus généralement, pour le Groupe de travail sur l’éthique et la gouvernance de VirusSeq que je préside, est de cibler les obstacles à l’échange de données afin de les éliminer systématiquement.

L’un des premiers obstacles que nous avons ciblés — et je remercie à ce sujet certains de nos membres qui sont vraiment en première ligne — touchait les questions de protection des renseignements personnels et la façon dont nous partageons les données de séquençage des virus et une quantité minimale de métadonnées connexes, par exemple de quelle province provenaient les échantillons que nous avions recueillis et quelle souche de la COVID nous étudiions.

En nous fondant sur notre examen de tous les types de données du séquençage des virus que nous avons recueillies, nous avons pu clarifier pour les autorités provinciales que l’échange de cet ensemble minimal de métadonnées, de même que la séquence des virus, ne crée généralement pas de problèmes importants de protection de renseignements personnels. Nous avons également pu signaler les quelques sujets pour lesquels il pourrait y avoir des problèmes à cet égard, par exemple la collecte de données provenant d’une province ou d’un territoire où le nombre de cas est très faible. Si nous voulions échanger les données des Territoires du Nord-Ouest, à un moment précis dans le temps, par exemple, il pourrait être possible d’identifier un patient atteint de la COVID-19.

Dans l’ensemble, on conclut dans notre note de service que, dans la majorité des cas, il n’y a pas de problème à échanger des données. De clarifier par écrit certaines des difficultés a vraiment contribué à ce que les laboratoires provinciaux acceptent d’échanger les données sur les virus, dans le cadre d’un protocole d’entente.

Il reste encore beaucoup à faire pour s’assurer de l’existence d’une infrastructure solide d’échange des données au Canada et nous travaillons très fort en ce sens par l’entremise du RCanGéCO. Par exemple, le Groupe de travail sur la normalisation des protocoles élabore les normes consensuelles de validation des données avant leur échange. Grâce au RCanGéCO, nous avons pu joindre une masse critique d’intervenants de la santé publique et nous ne travaillons plus isolément. Nous sommes un réseau et tous les intervenants provinciaux sont ici à la table.

D’autres pays participent-ils à cet effort d’échange de données?

Il y a eu de nombreuses contributions à l’échelle internationale. Par exemple, le professeur Zhang Yongzhen, du Centre clinique de santé publique de Shanghai en Chine, a été la première personne à communiquer très rapidement une séquence pangénomique du virus de manière totalement ouverte. Il était très important de publier cet élément d’information qui a permis à différents pays d’utiliser essentiellement cette séquence modèle du virus pour confirmer les premiers cas observés dans leurs pays respectifs.

Un autre excellent exemple est celui du consortium COG-UK (COVID-19 Genomics UK), un partenaire de l’initiative VirusSeq du RCanGéCO. COG-UK recueille des données génomiques et les échange rapidement au moyen de la base de données de la Global Initiative on Sharing Avian Influenza Data (GISAID). Le consortium réussit à communiquer ces données beaucoup plus rapidement que de nombreux autres pays. Les données du consortium deviennent donc la norme qu’utilise immédiatement la communauté internationale. Celle-ci le considère d’ailleurs comme des modèles la façon d’échanger des données, la forme de ces dernières, de même que les normes et les processus nécessaires. GISAID est également un bon exemple d’un projet international qui fait du travail de défense des intérêts et met au point des outils pour l’échange de données sur les pathogènes.

L’OMS (Organisation mondiale de la santé) a beaucoup milité en faveur de l’échange le plus rapide possible des données de séquençage des pathogènes et des métadonnées aux fins de surveillance. L’OMS a produit beaucoup de documentation à ce sujet. L’Alliance mondiale pour la génomique et la santé est une autre organisation importante.

Le consensus international grandissant sur l’échange de données sur les pathogènes envoie un signal fort aux organismes canadiens sur ce que nous devons faire et sur ce qui devient une norme scientifique et une norme en santé publique. Ces initiatives garantissent également un large consensus sur les normes minimales de collecte et d’échange de ces données.

Les difficultés concernant l’échange des données de séquençage des virus sont-elles semblables à celles qu’impliquent les données de séquençage génétique des personnes qui ont reçu un diagnostic de COVID-19 (les « hôtes »)?

Dans les deux cas, la protection des renseignements personnels peut poser un problème, mais l’information sur les hôtes est beaucoup plus « révélatrice » d’une personne que l’information sur le virus. Je veux dire par là que si je vous donne accès à la séquence génomique du virus, il est très peu probable que vous puissiez retrouver l’identité de l’hôte humain de ce virus. Par contre, si je vous donne la séquence génomique de l’hôte, l’élément d’information est très révélateur. Il faut donc assurer une protection adéquate.

Une autre différence clé à cet égard a trait aux destinataires de l’échange de données de l’initiative VirusSeq. Ce sont les laboratoires de santé publique qui recueillent de l’information sur les séquences virales, et ce sont également eux qui auront la responsabilité d’échanger ces données. Dans le cas de l’initiative ­HostSeq du RCanGéCO, ce sont principalement les chercheurs cliniciens des différents hôpitaux qui recueillent ces renseignements et qui les échangeront. La connaissance des normes d’échange des données est très différente d’un groupe à l’autre.

Comment tous ces travaux sur l’échange des données nous aideront-ils à l’avenir?

On espère bien que ce sera la dernière pandémie que nous aurons à vivre, mais c’est peu probable. Nous avons moins d’excuses chaque fois de ne pas résoudre ces problèmes de santé publique aussi rapidement et efficacement que possible. L’échange des données génomiques est indispensable à la préparation en vue de la prochaine pandémie. Il devient de plus en plus facile de réunir des données, de les analyser et de les protéger. Nous devons utiliser les moyens à notre disposition pour promouvoir une science, des politiques et une collaboration internationale axées sur les données.  

Quels seront vos travaux de recherche ensuite?

L’une des grandes questions qui me vient à l’esprit est celle de l’inclusion et de la diversité au RCanGéCO. Nous recueillons beaucoup de données, ce qui est très bien. Nous voulons cependant nous assurer que les données que nous recueillons reflètent la diversité de la population canadienne, y compris ces minorités ethniques et les groupes démographiques marginalisés qui ont tendance à être sous-représentés en recherche en génomique. Si nous ne recueillons que des données pour des groupes spécifiques, tout le monde ne bénéficiera pas de nos travaux. Nous devons travailler en collaboration avec des communautés diversifiées pour nous assurer que leur vision, leurs données et leur contribution orientent également nos recherches.

Comment votre participation au RCanGéCO a-t-elle aidé vos travaux?

Ce sont des travaux très exigeants. D’un simple point de vue financier, le soutien du RCanGéCO est indispensable. Nous avons besoin de ce soutien pour que les équipes de recherche fassent extrêmement rapidement des recherches sur les aspects juridiques et éthiques et fournissent des résultats pour les notes de service. Il faut également s’assurer de la collaboration de personnes aux expertises différentes dans le réseau, car la promotion de l’échange des données exige une approche multidisciplinaire. Ce réseau me relie à la communauté de la santé publique, ce qui me donne la possibilité de faire œuvre utile — rapidement. Nous avons à la table tous les laboratoires de santé provinciaux et tous les organismes producteurs de données. Des politiciens participent également à nos travaux.


Le Réseau canadien de génomique COVID-19 (RCanGéCO) a pour mission de relever le défi de la COVID-19 en produisant les données accessibles et utilisables des génomes viraux et humains pour orienter les décisions stratégiques et les décisions en santé publique, et mettre au point des traitements et des vaccins. Ce consortium pancanadien est dirigé par Génome Canada, en partenariat avec les six centres de génomique régionaux, le Laboratoire national de microbiologie et les laboratoires provinciaux de santé publique, les centres de séquençage du génome (par le truchement de CGEn), les hôpitaux, les universités et l’industrie dans l’ensemble du pays.

Faits rapides

Relations avec les médias

Nicola Katz
Directrice, Communications
Génome Canada
Cell. : 613-297-0267
nkatz@genomecanada.ca

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