Eric M. Meslin, Ph.D., MACSS
Président-directeur général du Conseil des académies canadiennes (CAC)
- Vous avez récemment présidé un comité d’experts de Génome Canada qui s’est penché sur la stratégie GE3LS intégrée de Génome Canada. Pourquoi Génome Canada a-t-il entrepris cet examen?
- Génome Canada a toujours été un chef de file de GE3LS et comme le font (et devraient le faire) les organismes à l’avant-scène, il a voulu étudier attentivement un aspect du portefeuille GE3LS général, à savoir l’efficacité avec laquelle la recherche GE3LS intégrée a facilité l’application de la recherche en génomique. Autrement dit, le comité évalue l’utilité de la recherche GE3LS dans les projets scientifiques en génomique. Nous savons depuis un certain temps que le simple fait de placer un chercheur GE3LS dans un laboratoire n’a pas nécessairement beaucoup d’influence. La clé, c’est de déterminer ce qui fonctionne le mieux et les obstacles à une intégration réussie.
- Brièvement, quelles ont été les conclusions du comité d’experts?
- Nous avons conclu que le modèle GE3LS a encore beaucoup à offrir, mais il ne faut pas le limiter à ces premiers succès. Génome Canada doit faciliter la collaboration entre les chercheurs GE3LS et les chercheurs en génomique, accroître la capacité de GE3LS, en particulier en partenariat avec les centres de génomique, et souligner la valeur de GE3LS en approfondissant son rôle de chef de file national à cet égard. Le Canada a une mine de « ressources » dans ce domaine; il faut les faire connaître et les utiliser largement.
- De nombreuses personnes ne pensent peut-être pas à la génomique en général, ni à Génome Canada en particulier en tant qu’organisme subventionnaire des sciences sociales/humaines, mais la recherche GE3LS est véritablement interdisciplinaire. Pourquoi cette approche multidisciplinaire est-elle importante pour la génomique?
- Depuis les tout premiers jours du Projet du génome humain, on a largement reconnu et appuyé la nécessité de la recherche pour prévoir et résoudre les problèmes d’ordre éthique, légal et social. Ces connaissances sont précieuses à de nombreux égards, car elles aident les chercheurs en génomique à concevoir de meilleures études; les cliniciens à mieux comprendre comment parler des risques et des avantages des tests génétiques avec les patients; et les investisseurs, les organismes de réglementation et les décideurs à promouvoir l’adoption responsable de la génomique au profit de la société. Le génie véritable de l’approche GE3LS a été de montrer le rôle indispensable des sciences humaines et sociales comme partenaires de la cogénération de nouvelles connaissances et pas simplement, un beau logo à ajouter à l’en-tête.
- Y a-t-il quelque chose de typiquement canadien dans l’espace GE3LS?
- À mon avis, GE3LS a toujours été l’une des plus grandes contributions du Canada à l’effort mondial en génomique. Les États-Unis ont peut-être élaboré le premier programme sur les répercussions éthiques, légales et sociales (ELSI) pour l’examen de ces enjeux, mais l’approche GE3LS canadienne est allée plus loin de trois façons : premièrement, elle a élargi la conversation au-delà de ces trois disciplines pour y inclure les enjeux économiques et environnementaux; deuxièmement, elle ne se limite pas au financement de chercheurs dont les travaux ont trait à leur propre discipline, elle finance aussi ceux qui collaborent activement et délibérément avec les chercheurs en génomique; troisièmement, elle n’est pas limitée aux questions de santé humaine, elle s’étend aussi à tous les secteurs des plateformes de Génome Canada, soit la foresterie, l’aquaculture, l’agriculture, l’environnement, l’énergie et les mines.
- Quel est le plus grand enjeu dont devront se préoccuper les chercheurs en génomique au cours de la prochaine décennie et comment la recherche GE3LS peut-elle y contribuer?
- Un choix difficile! Il serait cependant épineux de passer sous silence la collision entre l’intelligence artificielle et la génomique. La rapidité de l’innovation dans un domaine de l’IA, l’apprentissage machine, peut avoir des répercussions profondes sur tout l’environnement de la génomique et de la santé, depuis les améliorations dans les découvertes de gènes de maladies rares à la conception de nouveaux médicaments, en passant par les diagnostics. Les chercheurs GE3LS occupent une position idéale pour faire ce qu’ils font le mieux, c’est-à-dire « cartographier » d’abord le nouveau domaine et ensuite commencer à « séquencer » les enjeux. Autrement dit, déterminer les enjeux, leur complexité, puis commencer à proposer des solutions qu’il sera possible de mettre en œuvre. L’aspect fascinant de cette collision entre l’IA et la génomique est la réapparition d’enjeux que nous connaissons déjà, par exemple, le respect de la vie privée, la discrimination, l’accès, la justice, le consentement, qui se retrouveront cependant dans un contexte où le changement survient très rapidement dans d’autres domaines : le travail, l’expansion des entreprises, les finances, la sécurité. L’avenir sera très palpitant et nous aurons besoin de toute l’aide disponible.
- Nous allons tous nous retrouver plus tard à un karaoké. Quelle chanson chanterez-vous et pourquoi?
- Facile. Les Doobie Brothers, « Takin’ it to the Streets ». (Je parie que je vous surprends!)