Entrevue avec Mae Whyte, gestionnaire du Programme de réhabilitation, Blueberry River First Nations
« Les connaissances écologiques traditionnelles se transmettent de génération en génération et se concentrent sur l’interaction des êtres vivants, y compris les humains, avec leur environnement. L’union de ces connaissances vitales et des techniques et technologies génomiques nous aident à tracer la voie vers la guérison de la terre et des eaux pour les générations futures. » – Mae Whyte
Combinées, la génomique et les connaissances écologiques traditionnelles sont des outils puissants qui nous aident à résoudre certains des plus grands défis actuels, notamment la perte de biodiversité.
Nous avons demandé à Mae Whyte, gestionnaire du Programme de réhabilitation de la Blueberry River First Nations, comment la génomique et les connaissances écologiques traditionnelles peuvent appuyer la pérennité de l’environnement et les collectivités autochtones. Elle a travaillé à la réhabilitation d’habitats riverains tels que des cours d’eau, des rivières et des lacs, et à l’évaluation de l’habitat du poisson. Elle a également créé le programme des eaux de la Blueberry River First Nations, au nord de Fort St. John, en Colombie-Britannique, qui utilise entre autres l’échantillonnage environnemental (ADNe).
Pourquoi la génomique est-elle importante pour la protection et la pérennité de l’environnement?
Selon l’Union internationale pour la conservation de la nature, la perte d’habitat est la plus grande menace à la diversité biologique dans le monde. La génomique donne une idée de la biodiversité qui peut servir d’indice de la santé des écosystèmes.
À quels égards la génomique a-t-elle le plus d’influence?
La génomique nous aide à poursuivre notre rôle de chefs de file de la gestion des eaux douces, une fonction indispensable dans notre paysage et nos bassins hydrographiques fragmentés. L’analyse de l’ADNe [matériel génétique laissé par les organismes dans leur environnement] est un moyen non létal de se renseigner avec précision sur la biodiversité. Un seul bol d’eau d’un cours d’eau peut révéler s’il s’y trouve des espèces animales menacées, envahissantes ou importantes sur le plan culturel ou économique. Les toutes premières versions accessibles de ces technologies d’échantillonnage génomique servaient principalement dans les écosystèmes aquatiques. Des travaux intéressants sont toutefois en cours au moyen de pièges à poils, à pollen et à invertébrés dans des environnements terrestres. Ce sont des domaines que nous souhaitons approfondir dans le cadre du projet iTrackDNA. Les possibilités sont passionnantes.
Que voulez-vous dire par « moyen non létal » et pourquoi est-ce important?
Par le passé, nous aurions pu capturer des animaux, les étiqueter et même procéder à l’ablation de nageoires. La génomique nous permet d’obtenir des données sans détruire de manière moins destructrice, non létale, moins invasive, sans perturber la faune. Une étiquette sur un oiseau peut même nuire à sa capacité de trouver son partenaire. Nous évitons ces difficultés grâce à la génomique.
Comment les collectivités autochtones dirigent-elles ces travaux et centrent-elles les connaissances autochtones?
Les connaissances écologiques traditionnelles se transmettent de génération en génération et se concentrent sur l’interaction des êtres vivants, y compris les humains, avec leur environnement. L’union de ces connaissances vitales et des techniques et technologies génomiques nous aident à tracer la voie vers la guérison de la terre et des eaux pour les générations futures.
Comment la recherche et l’innovation canadiennes peuvent-elles mieux répondre aux besoins des collectivités autochtones?
On a tendance à penser qu’il n’y a pas de mal à caser des connaissances autochtones dans un programme qui existe déjà et à intégrer les connaissances autochtones traditionnelles dans des plans existants. Ce ne sera cependant pas efficace ni pertinent. Si l’on veut améliorer les répercussions des innovations de la génomique sur les collectivités autochtones, il faut convenablement inclure les connaissances autochtones traditionnelles dès le début. En voici un exemple simple : si quelqu’un vient dans la collectivité avec de la pâte à pain et dit « cuisinons », la personne veut en fait dire « faisons du pain ». Mais qu’en est-il si la collectivité veut cuire des petits gâteaux? Il faudra aller faire des courses et il vaudrait mieux emmener des membres de la collectivité avec vous pour vous assurer d’avoir les bons ingrédients avant de commencer à cuisiner.
Quel type de programmes ou d’infrastructure garantira que les Autochtones profitent de la recherche menée au Canada?
Je parle beaucoup de renforcement des capacités dans mon travail. Nous avons besoin de financement durable d’année en année, de formation et de mentorat, en particulier pour les jeunes. Il faut aussi des consultations constructives, en bonne et due forme. Le processus décisionnel à l’échelle de l’établissement des programmes et des infrastructures doit toujours inclure les voix autochtones. Il nous faut aussi tenir compte des besoins particuliers de chaque collectivité pour que les politiques et les infrastructures puissent être conçues par elles et pour elles.
Quelles innovations génomiques émergentes sont susceptibles d’entraîner des retombées favorables pour les collectivités autochtones?
Nos applications actuelles d’échantillonnage de l’ADNe peuvent nous aider à faire valoir la protection de l’habitat, pas seulement pour le poisson et la faune, mais aussi pour les végétaux. La génomique nous fournit des données qui appuient la protection et la réhabilitation, ce qui peut nous aider à rétablir des populations de végétaux et d’animaux importantes sur le double plan culturel et écologique. À l’échelle locale, la génomique peut nous aider à préserver les aliments et les médicaments dont dépendent nos collectivités.