Questions et réponses avec le Dr. Victor Martinez, spécialiste en génomique clinique, IWK Health Centre; professeur adjoint, département de pathologie, Université Dalhousie
L’initiative Tous pour un, dirigée par Génome Canada, fait progresser les soins de santé de précision dans tout le pays en offrant un accès équitable et rapide à un diagnostic clinique précis, fondé sur la génomique, pour les Canadiens atteints de maladies génétiques graves.
Au cœur de l’initiative se trouvent six projets de mise en œuvre répartis dans tout le Canada. Nous avons demandé au Dr Victor Martinez de l’équipe du projet au Canada atlantique quelle incidence l’initiative Tous pour un aura dans sa région.
« Actuellement, si un patient a besoin de faire analyser son exome ou génome entier, ces tests sont envoyés principalement à des entreprises privées américaines. Notre objectif est de réaliser tous ces tests à l’interne et d’augmenter le taux de diagnostic et la vitesse des résultats, ce qui aura un avantage important pour les patients. »
– Dr Victor Martinez
Pouvez-vous nous parler un peu du travail dans lequel vous êtes engagé?
Mon rôle est axé sur l’interprétation et la recherche des conséquences biologiques des variantes génétiques chez les patients atteints de maladies rares ou d’autres affections héréditaires. Ce travail est également lié à l’aspect relatif à la recherche, puisque nous créons les systèmes nécessaires à l’analyse des données génétiques et mettons au point des solutions aux défis associés aux nouvelles technologies de séquençage.
L’initiative Tous pour un a été lancée pour fournir une nouvelle norme de soins, plus cohérente, aux Canadiens en augmentant la capacité de tests génomiques cliniques dans tout le pays. Comment décririez-vous la disponibilité de ces tests à Halifax et au Canada atlantique?
Au Canada atlantique, et plus particulièrement à Halifax, la situation est un peu différente de celle des autres provinces du Canada. L’IWK Health Center est un hôpital public pour les femmes et les enfants, et c’est aussi une autorité sanitaire qui dessert toutes les provinces des Maritimes. Cette situation nous a placés dans une excellente position pour mener à bien ce projet précis de l’initiative Tous pour un et avoir une incidence importante sur le diagnostic des maladies rares dans la région.
Actuellement, nous proposons une analyse de séquençage pour certains patients, et cela est financé par la province. Chaque cas est examiné, et si le patient peut tirer profit d’une analyse génétique, nous la lui proposons. Toutefois, cette analyse porte sur un nombre limité de gènes par rapport à ce qui sera disponible avec Tous pour un. Nous analysons actuellement environ 300 gènes et recherchons un nombre limité de maladies. Grâce à l’extension de la capacité de séquençage génomique de Tous pour un, nous espérons être en mesure de séquencer les génomes ou exomes entiers [l’ensemble des morceaux d’ADN d’un individu qui fournissent les instructions pour fabriquer des protéines] des patients. Cela générera beaucoup plus d’information, ce qui nous permettra d’augmenter le nombre de maladies que nous pouvons rechercher.
Actuellement, si un patient a besoin de faire analyser son exome ou génome entier, ces tests sont envoyés principalement à des entreprises privées américaines. Cette information reste à l’extérieur du Canada et ne peut pas être utilisée pour améliorer les diagnostics futurs au niveau local. Notre objectif est de réaliser tous ces tests à l’interne et d’augmenter le taux de diagnostic et la vitesse des résultats, ce qui aura un avantage important pour les patients.
Combien de temps faut-il généralement pour diagnostiquer un enfant atteint d’une maladie rare? Comment peut-on réduire ces temps d’attente?
Il est très difficile de l’estimer, mais il pourrait falloir sept à huit ans pour diagnostiquer un cas rare sans séquençage. L’un des jalons de notre projet consiste à améliorer le temps nécessaire à l’établissement d’un diagnostic. L’un des avantages les plus importants de l’augmentation de la capacité de séquençage au Canada est de pouvoir échanger ces données à travers le pays. Dans le cas des maladies rares, il se peut que nous n’ayons qu’un seul patient dans notre région qui soit atteint de cette maladie. Si nous parvenons à trouver d’autres patients dans d’autres provinces, nous pourrons échanger l’information génétique et clinique sur nos patients et, ainsi, améliorer considérablement le diagnostic de ces cas.
L’initiative Tous pour un est déployée par le biais de six projets connexes dans l’ensemble du Canada. Quel est l’objectif de votre équipe de recherche à Halifax?
Notre objectif principal est d’élaborer et de mettre en œuvre des systèmes cliniques et de laboratoire pour le séquençage de l’exome et du génome entier des patients pédiatriques au Canada atlantique. Nous mettons en place les systèmes nécessaires pour analyser l’ensemble du génome d’un patient, ce qui est nouveau pour nous. Mais il y a beaucoup d’expérience dans l’ensemble du Canada, donc nous exploitons également cette expérience existante pour nous assurer que notre travail est compatible avec les autres centres au Canada.
Nous travaillons également à l’évaluation de l’utilité clinique et du coût du séquençage. Par exemple, nous cherchons à déterminer si l’utilisation d’exomes ou de génomes entiers peut réduire le temps de diagnostic ou améliorer d’autres aspects clés des soins aux patients et des services de santé.
Le travail que vous accomplissez pourrait-il également contribuer à réduire le coût du diagnostic et du traitement des maladies rares chez les enfants?
Des économies devraient être réalisées si nous pouvons diagnostiquer les patients plus rapidement. Je ne veux pas faire de promesses excessives, mais si nous pouvons réduire le nombre d’années nécessaires au diagnostic d’un patient en utilisant davantage de tests basés sur le séquençage, cela peut réduire considérablement les coûts associés au traitement et au suivi des patients. Les technologies de séquençage du génome entier peuvent également remplacer d’autres tests que nous proposons actuellement en laboratoire, comme les microréseaux. Par exemple, au lieu de faire deux tests pour le même patient, nous pourrions faire un seul test par séquençage qui produirait beaucoup plus d’information.
Alors que nous envisageons un avenir où la santé de précision sera une norme de soins accessible à tous les Canadiens, pouvez-vous décrire les principaux obstacles que le Canada doit surmonter?
L’échange des données génétiques constitue un défi entièrement nouveau pour les organismes de réglementation de chaque province et territoire du Canada, ce qui signifie qu’il y aura toujours des préoccupations concernant la confidentialité et la sécurité des données. Nous nous engageons à veiller à ce que les protocoles de confidentialité appropriés soient respectés et à ce que nous disposions des mécanismes de cybersécurité nécessaires pour protéger les données des patients. Communiquer efficacement avec les hôpitaux, les patients et les autorités de réglementation sur la manière dont nous protégeons les données des patients sera un élément clé de notre réussite.